Malgré un accroissement continu des investissements mondiaux, l’écart de croissance entre pays développés et émergents persiste. Certains États parviennent à maintenir un rythme soutenu alors que d’autres stagnent, malgré des politiques de soutien similaires. Une hausse de la productivité ne garantit pas toujours une amélioration des niveaux de vie, tandis que certains facteurs structurels évoluent sans impact immédiat sur le PIB.
L’interaction entre innovation technologique, accumulation du capital et qualité des institutions façonne des trajectoires économiques contrastées. Les déséquilibres dans l’accès à l’éducation et à la santé continuent de freiner le potentiel de plusieurs régions.
Comprendre la croissance économique : définitions et enjeux mondiaux
La croissance économique s’est imposée comme la boussole des décideurs publics au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Son suivi s’appuie presque partout sur le produit intérieur brut (PIB), un indicateur phare forgé par la comptabilité nationale pour chiffrer, année après année, la valeur totale de la production de biens et de services d’un pays. Pourtant, le PIB, qu’on l’exprime en valeur ou en volume, a ses angles morts. Il laisse de côté le bien-être réel, escamote l’économie souterraine et passe sous silence la part de richesse créée hors du champ marchand.
L’exemple des Trente Glorieuses illustre, en France et dans bien d’autres pays, une période de forte croissance économique. Reconstruction, innovations industrielles, politiques publiques offensives : cette combinaison a hissé le niveau de vie vers des sommets inédits. Mais derrière ce tableau, des clivages profonds persistent entre pays développés (PDEM) et pays en développement (PED). Les premiers voient leur croissance portée par l’immigration et l’investissement, tandis que la montée démographique demeure le principal moteur pour les seconds.
Désormais, l’analyse ne se limite plus au seul PIB. Des indicateurs comme l’indice de développement humain (IDH) élargissent la focale : ils intègrent le PIB par habitant, l’espérance de vie et l’accès à l’éducation pour mieux cerner le développement. Le PIB conserve donc son statut d’outil de mesure, tout en révélant ses propres limites lorsqu’il s’agit de rendre compte des fractures sociales et des failles structurelles.
Quels sont les piliers essentiels qui soutiennent la croissance économique ?
Aucune croissance économique ne s’improvise. Elle repose sur des facteurs de production qui structurent, année après année, le débat sur la transformation des économies. Le travail et le capital, notions clés chez Adam Smith ou François Perroux, forment la charpente de toute création de richesse. Mais l’accumulation de ces ressources, seule, ne suffit plus à expliquer le dynamisme d’un pays. Les économistes s’intéressent désormais à la productivité globale des facteurs (PGF), cet indicateur qui mesure la capacité à combiner travail et capital de façon innovante et efficace.
Au cœur de cette mécanique, l’investissement joue un rôle moteur. Il façonne le capital technique, machines, équipements,, mais aussi le capital humain à travers l’éducation et la formation, sans oublier le capital public (infrastructures) et le capital naturel. L’exemple français des Trente Glorieuses en atteste : modernisation des outils de production, politiques publiques ambitieuses, montée en gamme de l’appareil productif, tout converge pour soutenir le taux de croissance. Renforcer le système éducatif, garantir les droits de propriété, protéger l’innovation par le brevet : autant de leviers qui encouragent la prise de risque et la créativité.
Mais une dynamique solide exige des institutions fiables. Des lois stables, une gouvernance politique cohérente, des infrastructures de qualité : voilà le terreau qui favorise l’investissement et le progrès technique. Les analyses de Thomas Piketty ou de Joseph Schumpeter rappellent combien ces dimensions sociales et institutionnelles comptent dans la construction d’une trajectoire de croissance. Pour que cette dernière profite à tous, elle doit s’appuyer sur la formation, l’innovation et la confiance dans l’avenir.
Progrès technique, innovation et productivité : des moteurs incontournables
Le progrès technique imprime sa marque sur chaque phase de croissance économique. Robert Solow, prix Nobel d’économie, l’a démontré dès les années 1950 : la majeure partie de l’augmentation du Produit Intérieur Brut (PIB) s’explique par des gains d’efficacité. Ni le seul travail, ni le seul capital n’y suffisent. C’est l’amélioration des techniques, des méthodes et de l’organisation qui fait la différence. La productivité globale des facteurs (PGF) devient ainsi l’indicateur à surveiller, car elle reflète l’impact direct de l’innovation sur la création de richesse.
L’innovation, elle, va bien au-delà de la simple invention d’un produit. Joseph Schumpeter parle de destruction créatrice : chaque percée technologique bouscule l’ordre établi, remplace les secteurs dépassés par de nouvelles activités. Les technologies de l’information et de la communication (TIC), la montée en puissance de la recherche-développement, la diffusion accélérée du savoir, tout cela nourrit une dynamique de renouvellement permanent. Les investissements en R&D deviennent stratégiques pour soutenir la compétitivité et enclencher de nouveaux cycles d’innovation.
La productivité bénéficie également d’un effet d’entraînement. Un progrès technique dans un secteur se diffuse : il stimule l’économie dans son ensemble, améliore la qualité de vie et donne une impulsion supplémentaire à la formation du capital humain. Les brevets, le capital public, la qualité des politiques éducatives : autant de catalyseurs qui permettent à l’innovation de s’enraciner et de s’étendre. C’est cette alchimie qui façonne la capacité d’un pays à relever ses défis économiques.
Vers une croissance durable : défis, limites et perspectives pour l’économie mondiale
La croissance économique n’est plus synonyme de progrès linéaire. Aujourd’hui, elle se heurte à des limites bien réelles. Le réchauffement climatique, la pollution, la raréfaction du capital naturel remettent en cause les modèles hérités des Trente Glorieuses et la recherche constante d’un PIB toujours plus élevé. Les limites écologiques appellent une remise à plat des priorités. Désormais, le développement doit prendre en compte les externalités négatives, la pression sur les ressources naturelles et la préservation des biens communs.
Les liens entre croissance économique et environnement ne se résument plus à de simples équations. Érosion des sols, tensions sur la ressource en eau, chute de la biodiversité : chaque point de PIB supplémentaire soulève la question de la viabilité à long terme. Les pays en développement veulent légitimement améliorer leur niveau de vie ; mais l’empreinte écologique de cette aspiration se fait de plus en plus visible. De leur côté, les pays développés n’ont d’autre choix que de repenser leur modèle, sous peine d’aggraver les déséquilibres planétaires.
Face à ces défis, des pistes se dessinent. L’innovation et l’évolution des modes de production laissent entrevoir des solutions, même si elles restent incomplètes. La transition vers une économie bas carbone, la valorisation du capital humain, la défense des biens communs invitent à un nouvel équilibre. Marc Jancovici, entre autres, le souligne : le découplage entre croissance et consommation de ressources n’est pas encore acquis. La question reste entière : jusqu’où l’humanité pourra-t-elle pousser ses ambitions économiques sans perdre l’horizon de la planète qui l’abrite ?


